L'être humain face au changement
Certaines personnes admirent l'habileté politique alors que d'autres les évitent le plus possible. Bien que je sois divisée entre ces deux catégories, une bonne partie de moi est admirative devant les gestionnaires de haut niveau qui le font avec une aisance naturelle. Cet art de dire, de ne pas dire ou de dire les choses sans garder le silence. L’art d’attendre le bon moment, l’art d’anticiper les coups sur l’échiquier, l’art de la stratégie, l’art de respirer calmement tout simplement (souvent en apparence, j'aborderai les normes émotionnelles dans un autre article) et ce, en toutes circonstances. Je pense ici à la magie qui opère dans le voilier des outardes lorsque la première de la file cède sa place à une autre et prend son rang à l’arrière pour reprendre son souffle…
Cette façon de faire si propre à une entreprise et si similaire à celle de la faune me fascine. Je sais, c’est cliché, mais n’est-ce pas là notre point commun avec les animaux… l’instinct de survie?
Dernièrement, j’ai eu une conversation extraordinaire avec un ami professionnel concernant l’impact que peut avoir une restructuration organisationnelle sur la santé psychologique des employés. Et nous avons fait l’analogie d’une telle restructuration avec la parade nuptiale du paon.
Oui, nous avons l’esprit fertile…
Je vous mets ça en perspective.
Les restructurations ont toujours eu pour objectif – ou du moins elles le devraient – d’améliorer d’une quelconque manière l’efficacité de l’entreprise. Parfois, le voilier aérodynamique de la haute direction ne se fait pas toujours avec grâce et souplesse (un voilier se brise vite avec un coup de 12. Bye bye! Certaines restructurations ne se font pas toujours avec la même habileté politique). Une autre outarde va venir compléter le groupe pour qu’il prenne plus de vitesse et la formation céleste avancera… jusqu’à la prochaine restructuration.
Je vous l’ai dit, j’admire le jeu politique auquel on assiste dans une telle situation. La résilience et, surtout, le silence d’une outarde qui se fait tasser (ou abattre).
Chaque fois que le voilier bouge en raison d’une restructuration, dans les hautes sphères et plus bas, il y a une parade de paons qui se prépare.
Dans le monde du travail, il y a toutes sortes de paons, mais trois catégories ressortiront davantage lors d’une restructuration. À travers ma formation sur l'analyse des risques psychosociaux, vous serez en mesure de détecter les risques psychosociaux chez vos employés et de les atténuer lors d'une période de restructuration.
Ce sont les employés qui ne veulent pas performer ou qui ne savent pas comment le faire. Ils sont là, dans l’équipe; c’est encore une occasion de se mettre beau, de se bomber le torse et de faire la roue.
C’est l’occasion pour les gens qui ne font rien – désolée de le dire, mais c’est ça – d’essayer de démontrer à la nouvelle direction qu’ils font quelque chose, de proposer encore une fois des idées qui avaient été rejetées auparavant, de reprendre les projets des autres pour se les approprier. Pour certains, une restructuration peut être une occasion en or de se faire valoir.
Étant donné que performer n’est pas dans la normalité de ces paons, ils seront incapables de tenir la parade longtemps. Ils vont s’essouffler et vont retourner à leur première et probablement unique utilité : faire briller les paons performants par leur inefficacité.
Le paon performant va non seulement se mettre beau, mais va consentir le double d’efforts pour maintenir sa place dans le cercle de compétence. Il restera beau et bon. Il gardera le cap en faisant sa parade nuptiale parmi les paons de plastique qui lui font perdre du temps.
L’impact psychologique entre en jeu ici.
Lorsque les paons performants doivent refaire cette danse trop souvent, ça devient essoufflant et, surtout, ça se transforme en objet de démotivation. Ils doivent recommencer sans cesse la même parade pour avoir un petit peu plus qu’à la dernière parade, alors que certains paons de plastique finissent par obtenir, eux aussi, quelque chose.
Le paon performant peut devenir usé après plusieurs parades. Il va continuer de se mettre beau et de performer, mais sa queue finira par perdre quelques plumes dans sa magnifique roue.
Ne pas être complet n’est pas naturel pour le paon usé.
L’impact psychologique peut prendre de plus en plus d’ampleur et devenir une source de stress. Frustration, démobilisation, perte d’intérêt, irritabilité avec les collègues… ça pourrait éventuellement aller jusqu’à un état de stress chronique qui va conduire au départ de cet employé.
Pour l’organisation le coût de perdre un employé performant est énorme. Espérons que le gain visé par la restructuration sera atteint.
Je ne dis pas que les restructurations organisationnelles ne sont pas une bonne chose. Je dis simplement que lorsqu’elles sont trop fréquentes, elles peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale de certains employés. Si les restructurations sont trop fréquentes, elles peuvent avoir un coût à long terme et, malheureusement, avoir des effets néfastes sur les employés performants.
Il existe des solutions pour limiter l’impact négatif d’une restructuration organisationnelle sur vos employés ainsi que sur vos gestionnaires de haut niveau qui doivent continuer de voler vers une autre entreprise.
Lorsqu'une outarde est malade ou qu'elle est trop fatiguée pour continuer de voler, deux outardes vont rester à ces côtés jusqu’à ce qu’elle meure ou qu’elle reprenne le vol. J'explore d'ailleurs l'importance et les aspects bénéfiques d'avoir quelqu'un à ses côtés pour combattre le stress professionnel dans un précédent article.
Nous avons peut-être quelque chose à apprendre de ceci.
Auteur: Andréanne Degrâce