Deux cavaliers Crédit : pexels

Sans une alliance forte entre le responsable RH et SST, la prévention des risques psychosociaux sera un échec

EVERESST | RPS : Quand RH et SST font cavalier seul, tout le monde perd

Pourquoi les RH et SST doivent jouer un rôle central dans la gestion des risques psychosociaux?

En tant qu’acteurs stratégiques de l’organisation, les représentants des ressources humaines (RH) et de la santé et sécurité au travail (SST) doivent impérativement être impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de gestion des risques psychosociaux (RPS). Leur rôle va bien au-delà de l’application de politiques : il s’agit d’une implication active dans la prévention, l’analyse, le développement de compétences, la formation, la mesure de performance et les actions correctives.

Cette stratégie globale comprend notamment :

• la gestion proactive des situations à risque ;

• la tenue d’un registre documenté ;

• la conformité aux normes du travail ;

• la mise en œuvre d’une démarche structurée d’analyse des risques ;

• le développement des compétences managériales ;

• la formation continue des employés ;

• le suivi rigoureux des indicateurs de performance ;

• l’ajustement des mesures en fonction des résultats observés.

Malheureusement, dans plusieurs organisations, cette vision idéale reste encore trop éloignée de la réalité. Manque d’expérience, appui insuffisant de la direction, rôles mal définis, absence de rigueur dans la prévention... Les raisons de ces écarts sont nombreuses.

Dans ma pratique, je constate que les responsables RH et SST peuvent jouer un rôle de levier essentiel lorsqu’ils adoptent deux postures gagnantes, sans lesquelles toute démarche risque d’être compromise.

Avant d’explorer ces postures, illustrons ce propos avec une situation fréquente.

Une réalité organisationnelle bien trop courante

Un directeur des opérations me contacte, visiblement à bout de souffle. Son équipe de superviseurs est épuisée : arrêts de travail, comportements agressifs, langage inacceptable, taux de roulement élevé… la situation devient critique. Il souhaite agir autrement, aller au-delà des mesures ponctuelles, et se dit prêt à entamer une réelle démarche d’analyse des risques psychosociaux pour en identifier les causes profondes.

Le responsable RH et SST sont également présents. Le représentant RH me fait alors part d’un diagnostic déjà réalisé. Surprise : ni le directeur des opérations ni le responsable SST n’étaient au courant. Le "diagnostic", basé sur des perceptions anciennes, non documentées, n’a pas suivi de méthodologie structurée. Aucune trace, aucun suivi. Et pourtant, on envisage déjà des formations pour les gestionnaires, sans avoir compris les véritables sources du problème.

Cette situation soulève trois constats majeurs :

1. Les rôles et processus ne sont pas clairs.

L’ambiguïté des responsabilités et du processus d’analyse nuisent à la mobilisation des alliés clés, freinant toute initiative de prévention durable.

2. L’analyse repose sur des perceptions plutôt que sur une démarche rigoureuse.

Une évaluation structurée des RPS est essentielle pour identifier les causes profondes et choisir les actions pertinentes. Les formations ne sont efficaces que si elles s’inscrivent dans une stratégie globale et cohérente.

3. Responsabiliser les gestionnaires sans revoir les autres processus internes.

Dans ce cas, offrir de la formation sans comprendre les risques réels peut entraîner des frustrations et retarder les résultats. Une vision 360 des causes organisationnelles est indispensable avant d’investir dans le développement des compétences. Car si les compétences managériales ne sont pas optimales à la première ligne de gestion, il y a de fortes chances que ce soient le cas pour les autres niveaux hiérarchiques.

Deux postures gagnantes à adopter dès maintenant

1. Adopter une lecture impartiale et une démarche structurée

Nous devons mettre notre égo de côté et reconnaître que nous faisons partie intégrante de l’écosystème à évaluer. Réaliser un auto-diagnostic sans recul objectif, avec ses propres lunettes, peut fausser l’analyse.

Sans s’en rendre compte, on peut soi-même contribuer aux RPS : style de gestion, climat d’équipe, résistance au changement, manque de compétences spécifiques, etc.

La clé : reconnaître ses angles morts, s’ouvrir à un regard externe et ne pas surestimer sa capacité à mesurer le niveau de confiance réel dans l’organisation.

2. Miser sur le travail d’équipe, et non sur le travail en silo

La gestion des RPS ne peut pas reposer sur une seule personne. C’est une démarche collective. Étant donné que c’est un nouveau risque à introduire dans vos processus de prévention, cela nécessite :

• une clarification des rôles et responsabilités ;

• un processus structuré et partagé ;

• une communication ouverte et transparente ;

• une compréhension commune des risques psychosociaux et des obligations légales.

Cela passe parfois par une formation de base commune à tous les acteurs impliqués. Reconnaître ses limites permet également de ne pas s’enfermer dans les seules ressources internes. Faire appel à une ressource externe, surtout lors d’une première démarche, offre un regard objectif, une expertise précieuse, et facilite la création d’un climat de confiance essentiel pour recueillir des données de qualité.

Conclusion : viser le long terme, pas le correctif rapide

Travailler en solo et rechercher des solutions rapides peut sembler attrayant et plus efficace mais c’est rarement une stratégie durable. Une simple conversation avec un expert du domaine peut ouvrir la voie à une approche plus ciblée, efficace et cohérente.

Lorsqu’un cadre est bien établi, une prise en charge interne peut très bien fonctionner. Mais pour une première démarche, le soutien externe permet souvent d’éviter les pièges classiques, tout en assurant une réelle transformation organisationnelle.

N'oublions pas : créer un environnement psychologiquement sécuritaire est un investissement. Et les RH et SST sont les architectes incontournables pour élaborer votre stratégie.

Andréanne Degrâce | Fondatrice d'EVERESST